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vendredi, janvier 14, 2011

À choisir, je préfère Voltaire : c’est notre liberté d’expression qu’on tue petit à petit

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Voici la petite histoire d’un gros épais, un bon « redneck »,  un soir, dans un bar, qui regarde Musique Plus à la télé, et qui commente à haute voix. Un bon Elvis Gratton comme on en rencontre parfois. Et il dit :

    « Non, mais, regardez-moi ces bozos…
    Eux-autres, ils l’ont, l’affaire!
    Y jouent de la guitare sur Musique Plus!
    C’est pas travailler, ça. Eux-autres, ils l’ont, l’affaire.
    Gagner de l’argent à ne rien faire, et avoir les filles, en plus.
    Non, ces gars-là, c’est pas des caves.
    Au pire, une petite ampoule sur le petit doigt.
    Au pire, une petite ampoule sur le pouce.

    Moi, j’installe des fours micro-ondes.
    Dans des cuisines sur mesure
    Je transporte des réfrigérateurs
    Je livre des télé-couleurs

    (Non,  mais avez-vous vu ce gars-la ?
    Une moumoune, avec sa boucle d’oreille et son maquillage.
    Pis c’est ses vrais cheveux, en plus!
    Cette moumoune a son propre jet.
   
Cette moumoune est millionnaire.)

    J’aurais du apprendre à jouer de la guitare
    J’aurais du apprendre à jouer de la batterie.
    Regardes cette fille : elle se les montre en plein dans la caméra.
    On pourrait quasiment les toucher.
    Et lui, il fait quoi?
    Il frappe sur ses bongos comme un chimpanzé.

    Mais regardez-moi ça :
    C’est pas travailler, ça.  Lui, il l’a, l’affaire!
    Tu joues de la guitare sur Musique Plus!
    De l’argent à ne rien faire, et les filles gratis
    De l’argent à ne rien faire, et des filles gratis »


Ça vous choque? Non? Ah bon. Pourtant, ça a choqué une dame. Dans les maritimes. Voyez-vous, le texte qui précède est la traduction libre de la pièce « Money for Nothing » du groupe britannique Dire Straits, une chanson écrite il y a 25 ans.

Vingt-cinq ans plus tard, la dame s’est soudainement dite offusquée du paragraphe où l’épais traite l’artiste d’efféminé :

    (See the little faggot with the earring and the makeup
    Yeah buddy that’s his own hair
    That little faggot got his own jet airplane
    That little faggot he’s a millionaire)


Elle a porté plainte au Conseil canadien des normes de la radiotélévision. Qui lui a donné raison. Il a jugé cette chanson inadéquate pour les ondes canadiennes. Sur cette seule et unique plainte de cette seule et unique madame. On a mis la chanson à l’index. Il est désormais interdit d’en faire jouer la version intégrale, parce que la madame croit que le mot «faggot» (efféminé) insulte les homosexuels. Qui eux, ne se sont jamais plaint.

Avec de tels règlements, c’est notre liberté d’expression qu’on tue petit à petit. Si on se fie à la logique de ce jugement, il faut définitivement retirer Elvis Gratton de la télé, des cinémas et des clubs vidéo. Exagéré comme conclusion? Non, vous le savez bien.

À la lumière de cette décision, allez vider votre discothèque, allez vider votre vidéothèque.

Oh mais avant, prenez une petite minute, et relisez Voltaire :

    « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

À choisir entre Voltaire et le CCNR, je préfère Voltaire. Et vous?


;-D