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samedi, janvier 23, 2010

La chronique de Richard Martineau : Les pleutres

LE JOURNAL DE MONTRÉAL/LE JOURNAL DE QUÉBEC
23/01/2010



«Tout est sur la table.» Chaque fois qu'on organise un sommet, un forum, une rencontre ou un 5 à 7 sur l'économie du Québec, on répète toujours cette phrase:

«Tout est sur la table. Aucun sujet n'est tabou, aucune vache sacrée ne sera épargnée, aucune proposition ne sera écartée.»

LE COURAGE DES GENS D'AFFAIRES

Mais dès que quelqu'un ose remettre en question l'existence de la formule Rand ou le vote à main levée dans les assemblées syndicales, oups, une irrépressible et soudaine envie de pisser s'empare des convives et tout le monde se lève pour aller aux toilettes.

Même les patrons et les banquiers font semblant de n'avoir rien entendu.

Ils regardent nerveusement par la fenêtre, pitonnent sur leur Blackberry ou se penchent sous la table pour attacher les lacets de leurs loafers.

Ou alors ils se lèvent d'un trait devant les caméras, et s'époumonent à voix haute pour que tout le monde puisse les entendre:

«Quoi? Remettre en question les privilèges des grands syndicats? Mais, voyons, quelle mouche vous a piqué? Tout va bien, tout le monde s'aime, pourquoi diantre lancer cette idée saugrenue?»

On parle souvent du manque de courage des politiciens. Vous voulez voir des pleutres, vous? Des hypocrites, des visages à deux faces?

Allez faire un tour dans les chambres de commerce.

Vous allez voir: nos hommes et nos femmes d'affaires sont tellement habitués à parler des deux côtés de la bouche, à dire une chose en public et son contraire en privé, qu'ils se bavent dessus quand ils boivent leur scotch.

PORTE OUVERTE À L'INTIMIDATION

Pourtant...

Qu'y a-t-il de si réactionnaire et de si intransigeant à demander aux syndicats d'organiser des votes SECRETS?

Élisons-nous nos représentants à main levée?

Il n'y a qu'une seule et unique raison pour laquelle une organisation refuserait à ses membres de voter dans un isoloir: pour pouvoir les intimider et ainsi, influencer leur vote.

Vous le savez, je le sais, tout le monde le sait. Mais personne ne dit rien. Surtout pas les politiciens.

Comme l'a déjà écrit Michel Kelly-Gagnon, de l'Institut économique de Montréal:

«Les politiciens québécois, indépendamment de leur idéologie officiellement déclarée, font un calcul simple: quand ils déplaisent aux syndicats, ils subissent des manifestations et des dénonciations publiques constantes. Mais, à l'inverse, quand ils déplaisent aux entreprises, le coût politique est à peu près nul.

«Dans un tel contexte, que croyez-vous qu'ils soient naturellement portés à faire?»

LIBERTÉ OU OBLIGATION?

Idem pour la formule Rand. Nous vivons dans un pays libre, personne ne devrait être obligé de joindre les rangs ou de participer au financement d'une association qui ne l'intéresse pas.

Ça tombe sous le sens. Or, c'est quand, la dernière fois qu'on a mis la pertinence de la formule Rand «sur la table?»

Juste y penser est un crime de lèse-majesté. Pourtant, la Charte canadienne des droits et libertés (le

document le plus important au pays) stipule noir sur blanc que la liberté d'association est un droit fondamental.

Si on a le droit de s'associer, on devrait avoir le droit de ne pas s'associer, non?

Sinon, voulez-vous me dire pourquoi on appelle ça la LIBERTÉ d'association?

La LIBERTÉ n'exige-t-elle pas une volonté, un désir? On devrait appeler ça: l'OBLIGATION d'association. Ça serait plus juste.


 http://www.canoe.com/infos/chroniques/richardmartineau/archives/2010/01/20100123-093631.html

;-D

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